Le patrimoine de l'Arctique fond aussi avec les glaces

Les écosystèmes de l’Arctique sont particulièrement sensibles aux changements climatiques. Alors que l’érosion ronge les côtes et que le pergélisol fond, des lieux historiques pourraient être endommagés, voire disparaître complètement. D’après un reportage de Doug Jones.

Michael O’Rourke est un archéologue des changements climatiques pour le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Depuis plusieurs années, il voyage vers des sites de la région désignée des Inuvialuit, située dans l’ouest de l’Arctique canadien, et constate la lente disparition de son héritage historique et culturel. Il a rencontré Doug Johnson, journaliste à The Weather Network, pour le raconter.

Dans les années 1800, Nuvuraq était un village inuit encore en activité et abritait près de 20 huttes de terre, des maisons construites à partir de blocs de tourbes. En 2013, alors qu’il commence son doctorat, l’archéologue s’y rend pour la première fois et remarque que ces maisons ont déjà toutes disparu.

Quelles sont les menaces?

La fonte du pergélisol

En se réchauffant, ce type de sol normalement gelé peut provoquer des glissements de terrain. Une étude de 2019 a révélé que l’île Banks, une île de l’Arctique canadien, a subi près de 4 000 glissements de terrain entre 1984 et 2005. Ces incidents étaient beaucoup plus fréquents lorsque les étés étaient chauds.

Un autre effet de la fonte du pergélisol est la perte des vestiges matériels qui s’y cachent. Lorsqu’il se dégèle, les artéfacts jusqu’alors protégés par le froid se retrouvent au contact de l’eau et de l’air. Ainsi exposés, les objets les plus délicats, faits avec des plumes par exemple, risquent de pourrir.

Changement de végétation

Le changement dans la végétation est une autre menace. Selon une étude de 2019, le couvert d’arbres n'aurait pas diminué dans les 50 dernières années. Par contre, l’augmentation des arbustes inquiète. La surface couverte par ces plantes ligneuses aurait augmenté de 1,4 à 4,2 % chaque décennie entre 1984 et 2020. Les racines des arbustes peuvent ralentir l’érosion, mais elles peuvent également se développer entre les fissures des maisons et autres structures et les fragiliser davantage.

Finalement, un climat plus chaud peut également favoriser la croissance de champignons. Une étude de 2021 s’est penchée sur 125 échantillons de bois. Ce bois provenait de cabanes de Peary, des habitations coloniales construites au début des années 1900 au nord de l'île d'Ellesmere, au Nunavut. Dans ces échantillons, l’équipe de chercheurs a identifié plusieurs espèces de champignons associées à de la pourriture molle.

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L’érosion

Beaucoup de villages inuits sont construits sur la côte ou sur des îles. Ces sites sont plus que jamais à la merci de l’érosion côtière qui grignote jusqu’à 40 mètres du littoral arctique chaque année, en plus de devoir faire face à la montée du niveau des océans.

Durant ses expéditions, M. O’Rourke a visité le site de la baie de MacKinley, située près de l'extrémité est de la péninsule de Tuktoyaktuk. Un site vieux de 500 ans qui se situe dans une zone où les Inuvialuit chassaient la baleine boréale. Depuis 2004, la falaise sur laquelle un des villages est construit, s’érode d’environ un mètre par an.

Un héritage menacé

Outre les sites patrimoniaux, de nombreux objets témoignent de l'histoire des territoires arctiques. Parmi ceux-ci, on retrouve des harpons, des outils pour la chasse, des outils pour le traitement de la peau et de la viande, des aiguilles, etc.

Une partie de cet héritage risque de disparaître avant même d’être redécouvert selon Aasivak Arnaquq-Baril, gestionnaire du patrimoine au Inuit Heritage Trust. Et les solutions ne sont pas évidentes. Certaines personnes ou communautés pourraient être réticentes à l’idée de mettre au jour ces artéfacts. Ces derniers risqueraient de finir dans des collections muséales ailleurs au Canada, par exemple. Aasivak Arnaquq-Baril souligne que le Nunavut est le seul territoire qui n’a pas d’espace pour préserver ces parties de son histoire même si le projet de construction du Nunavut Cultural Centre pourrait répondre à certaines inquiétudes.

De son côté, Michael O’Rourke ne perd pas espoir. Il aimerait être plus en contact avec les communautés inuites des Territoires du Nord-Ouest afin de trouver les façons les plus adéquates de gérer ces pièces du patrimoine arctique, en coopération avec ses membres.

D'après un reportage de Doug Johnson, journaliste à la section Climat de The Weather Network. Lisez l'article original.

Image bannière : vue aérienne de JlGu-3, site menacé par l'érosion. Photo prise à Pujjunaq (Mansel Island) dans la baie d'Hudson, Nunavut, en 2017. (Source : Avataq Cultural Institute)