El Niño en hiver au Québec : un monstre à deux têtes

Avec un épisode El Niño cet hiver, à quoi s'attendre? Réjean Ouimet répond à la question.


El Niño en hiver

Le phénomène El Niño influence l'hiver au Québec, c'est indéniable. Dans l'imaginaire collectif, ce scénario prévoit une saison plus douce. Est-ce toujours le cas ? Selon Réjean Ouimet, météorologue, plusieurs variations produisent différentes conséquences. De fait, la douceur n'est pas la seule possibilité.

« Depuis 1970, les hivers El Niño sont marqués par un scénario peu convaincant, estime Réjean Ouimet. Un hiver sur deux va être plus doux que la normale. Lors des derniers épisodes, soit en 2016 et 2010, plusieurs régions ont connu des hivers records de douceur. Le pompage d’air doux du Pacifique est si important qu'il se propage jusqu’au Québec.

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Variations sur le même thème

Nous savons qu'un épisode El Niño, durant une période donnée, varie en intensité (faible, modéré ou fort). Toutefois, une autre variante peut changer la donne : Modoki. Ce mot japonais signifie « semblable, mais différent ». Dans un tel cas de figure, les eaux chaudes se déplacent vers l'ouest. Lors d'un El Niño dit « normal », l'anomalie d'eau chaude s'étire du centre du Pacifique jusque près de la côte de l'Amérique du Sud.

« Si on ajoute la caractéristique Modoki, on a un renversement de tendance, affirme Réjean Ouimet. Une courte majorité des hivers (quatre sur sept) a été marquée par du froid. L’intensité du phénomène semble jouer encore une fois un rôle. Puisque les trois cas d’hiver plus doux l’ont été lors d’El Niño Modoki forts ou modérés et les cas plus froids ont été par ailleurs des épisodes faibles. »

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Moins de neige

Les données concernant la neige sont assez probantes. Pour Montréal, les hivers El Niño sont majoritairement peu neigeux, mais c'est aussi le cas pour les autres villes du Québec. Depuis 1970, les 14 hivers montrent plus souvent un déficit par rapport à la normale. En ce qui concerne la variante Modoki, elle semble avoir peu d'influence sur les précipitations neigeuses.

« Il faut un agencement particulier des forces atmosphériques pour générer de la neige, précise Réjean Ouimet. Il semble que la neige se fasse plus discrète qu’au cours d’hivers dits normaux. C’est un hiver sur trois qui sera plus neigeux que de coutume. Dans le cas d'un épisode faible, la probabilité de plus de neige augmente un peu. Pour les précipitations en général (soit pluie/neige confondue), le déficit semble davantage la norme. En cas d’El Niño fort, les probabilités de plus de précipitations doublent par rapport aux autres situations. En 1998, le gros épisode de pluie verglaçante qui a marqué l’hiver après les fêtes illustre cette possibilité. »

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Le scénario anticipé

Les données actuelles indiquent qu'un scénario El Niño fort est anticipé pour l'hiver. Cette situation laisserait entrevoir de la douceur et peu de neige. Du reste, d'autres facteurs exercent une influence sur l'ensemble d'une saison : le vortex polaire, la crête en Alaska, la crête du Groenland, etc. N'oublions pas également la possibilité d'un épisode Modoki, lequel pourrait changer la donne.

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Avec la collaboration de Kevin Cloutier et Réjean Ouimet, météorologues.


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